Exposition à la Mairie du VIe


Depuis bientôt trois siècles, Paris accueille l’artiste étranger. Il lui donne non pas seulement des possibilités de vivre mais aussi celles de découvrir, asseoir et publier son talent. Pourtant, pour. les Russes comme pour les enfants de l’Amérique latine, il arrive souvent que le talent s’assagisse et, en perdant sa naïveté, compromet son message. La première originalité qu’il faut saluer en Olga Luna est que, si elle a su emprunter au savoir français, à la comédie italienne, à l’insolence espagnole, elle n’a rien perdu du génie du Pérou où elle est née.

Je ne savais rien d’elle avant son exposition Plis à la mairie du Vie arrondissement. Je n’en sais guère plus aujourd’hui. Je n’oublierai jamais cependant ses masques, leur sophistication et leur violence, ni la terreur qu’ils réveillent. Que celle-ci puisse être belle, que, mieux, elle ait pu lier avec la beauté une alliance qui fait trembler, m’a rappelé, quand je l’ai retrouvée chez Olga Luna, la vérité que m’avaient imposée le Mexique, l’Équateur, le Pérou par leur art. Aucun masochisme, aucune complaisance. C’est le réel qui est beau et terrible à la fois, habité qu’il est par des mystères aussi naïfs qu’insondables et unis par une géométrie qui, bien qu’elle soit d’évidence de l’homme, paraît nier toute humanité. L’un des mystères de ces unions singulières — ou même, qui nous paraissent contre-nature, Olga Luna a su le capter et l’exprimer. Si le masque, malgré sa beauté civilisée, presque de grand couturier, est véhicule de peur, c’est qu’il tremble. Composer un visage par le détour et avec la grâce terrifiante de la géométrie, n’est-ce pas lui rappeler qu’il n’est que trait, couleur, mieux — un pli, ou une composition, un pliage en quoi se réduit toute chose ? Plis : derrière leur perfection formelle, l’éclat de leur couleur, l’âme, ne trouvant plus refuge ni dimension ou profondeur, sanglote. Il m’a semblé entendre ce sanglot dans la belle exposition d’Olga Luna.

Jean BLOT

22.06.2015